« La recette, la recette, le mariage on s’en fout ! La recette la recette ! » a lancé une petite voix gourmande à laquelle je réponds amusée: » nion, nion ,nion d’abord on se repère ! »
La cuisine sans gluten, on ne le dira jamais assez n’est pas le rien, le vide ou, à contrario un trop plein de gras et de sucre. La cuisine sans, ou la free from food n’a pas vraiment de repères pour le moment. Entendons par repères des recettes ancestrales, des gestes transmis, des uses et coutumes d’Antan, des traditions conservées des souvenirs inscrits au patrimoine de notre mémoire . Il y a les mangeurs de gluten et les mangeurs de sans gluten guidés par le choix ou le besoin. Au-delà de la protéine conservée ou rejetée il existe entre ces catégories de consommateurs un point commun : le repère. Le repas est un repère dans l’espace-temps, la nourriture est un repère dans l’espace géographique. Identifier d’un coup d’œil l’ingrédient fait appel aux repères : la couleur, la forme, la texture, l’odeur, le nom. Une pizza, un croissant, une baguette, une daube, une tartiflette, une truite au beurre noir, des choux à la crème …tout ceci parle à tout le monde, tout ceci nous ramène à des souvenirs, à l’univers du connu, donc aux repères. Manquer de repères peut devenir très angoissant lorsque l’on résiste à la découverte et au lâcher-prise. N’est-ce pas plus alléchant (rassurant) de se diriger vers un cake industriel sans gluten qui nous rappelle le connu ? La composition n’a souvent que très peu d’importance dans le besoin de repère et c’est là que l’on réalise notre besoin d’être dans le connu. Pourquoi avons-nous tant de mal à nous ouvrir à d’autres textures, d’autres saveurs ?
A cette époque de Bing-Bang de l’assiette , de la disparition progressive de nos viennoiseries authentiques et du fait maison, que va-t-on laisser à nos enfants si nous ne créons pas de nouveaux repères ? Est-il encore possible de créer de futures recettes traditionnelles avec la particularité d’être sans gluten, et sans d’autres choses ?
Bref, j’en avais presque oublié la photo pardon…Les repères sont aussi dans le goût et les accords dits « parfaits » .Nul n’est besoin d’être un bon cuisinier pour accorder un canard avec la figue, la betterave avec le persil, le croissant avec le roquefort (ha non ça, c’était le petit déjeuner que préparait maman avant d’aller à l’école). Pourquoi certains ingrédients se marient-ils bien ensemble ? Ce mariage presque évidant s’explique par la présence de molécules, de composés volatils similaires ou opposés. Ceux qui se ressemblent s’assemblent. Les opposés s’attirent. Lorsque l’on ose les mariages, on ose aussi se défaire de ce qui nous rattache au vécu au connu pour créer d’autres repères. Toutefois, et c’est bien là, où réside la subtilité, au-delà du Sans : être sensible aux saveurs et aux textures permet de se replonger dans des souvenirs, et agit comme une Madeline de Proust même si la recette n’est plus. Les repères de base assurent la création de Nos propres repères adaptés . Il ne s’agit pas de partir dans tous les sens et de marier trop d’ingrédients mais, de surprendre, de se surprendre, de se re- découvrir dans son intime bouche.
Ici, nous avons décidé de marier la betterave, la noix de coco, la racine de chicorée torréfiée et les graines d’anis. La betterave qui ne plait pas à tout le monde, contient la molécule scatole proche de la fleur d’oranger et du jasmin. La noix de coco se marie bien avec et sous toutes ses formes. L’anis faisant parti de la même famille des composés volatils anisés que le persil, remplace subtilement ce dernier. La betterave jaune possédant des notes anisées s’accordera aussi avec l’anis. Enfin, la racine de chicorée possède elle aussi des saveurs anisées et avec du rapadura c’est un délice ! Les composés ont donné naissance à une compotée de betterave/coco servie avec son biscuit à l’anis et racines de chicorée passées au moulin à café.
A vous de d’essayer d’autres combinaisons ! Nul ne s’est jamais perdu dans le chemin de la création. Volez , volez fameux composés. Faîtes-nous vibrez entre le connu dit souvenir et le devenir composé du connu et de la re-connaissance.